Seconde moitié des années 80, banlieue nord de Londres, je suis ado. Une fois les cours terminés, je n’ai qu’une idée en tête. Déguerpir au plus vite afin d’être devant le poste pour 19 heures tapantes. L’école pour aristos dans laquelle ma mère m’a foutu est à une quarantaine de minutes de l’appart’, je n’ai pas une minute à perdre. Ouf. J’arrive à temps. Éssouflé, et soulagé de trouver mon « TV dinner » qui m’attend (thanks mom). C’est l’heure de l’accès-prime, comme diraient les pros aujourd’hui. Jeudi, c’est Top of the pops, et la possibilité de voir Depeche Mode se fendre d’une ballade SM ou Morrissey et les Smiths se pavaner, la tulipe dépassant du jeans, pour chanter les horreurs de la vie carnivore. Autant de moments vécus en « live » (YouTube et le replay sont bien loin), chacun susceptible de faire dévier le cours d’une vie – ou au moins d’alimenter la conversation entre les morveux du lycée le lendemain.
Ces temps du direct, on les croyait définitement disparus. Et pourtant… Même si nous avons tous fait mine, pendant le confinement, Instagram oblige, de relire les classiques et de peaufiner le potager, in real life, la bonne vieille box a repris ses droits. Les De Funès du dimanche soir, le bavardage parano des chaînes d’infos en continu, les prises de parole du président, la série avec Cantona sur Arte, tous ont fait le max d’audience – en direct mais pas que… Comme le note la spécialiste des médias Marjorie Paillon dans notre dossier : « avec le virus, on a pris deux ans d’évolution digitale en deux mois ». Et depuis, ce comeback inespéré se poursuit.
Soyons indulgents, pour une fois : dans une époque aussi badante que celle que nous traversons, chaque opportunité de se réunir en communauté – même si c’est pour discuter de Koh Lanta – mérite d’être saisie.
Bon visionnage, on se retrouve dans un mois,
Laurence Rémila
Rédacteur en chef