L’ÈRE DE L’IA DULTÈRE

L'ère de l'ia dultère

Sexter avec ChatGPT, est-ce tromper ? Le dangereux jeu de l’infidélité vient de prendre un nouveau tournant avec l’arrivée sur le marché d’une redoutable rivale, la digi-romance. Notre grand reporter des relations est allé sonder les âmes, il en revient avec un conseil : débranchez la wifi.

Légende photo : I.A. LOVE YOU_  Si vous avez déjà vu passer cette femme dans les comptes suivis par votre « moitié », posez-vous les bonnes questions. Il s’agit de Aitana Lopez, une influenceuse 100 % virtuelle. Son avantage ? Pour 15 euros par mois, vous pouvez tchater avec elle sur Fanvue (un OnlyFans pour IA).

Attention, ça bug. Fin mai, OpenAI annonçait qu’elle « travaillait à suspendre » une partie de ses services vocaux. La raison ? Quelques jours auparavant, Scarlett Johansson avait déchaîné une tempête médiatique en accusant la société d’intelligence artificielle d’avoir usurpé sa voix pour alimenter la dernière version de ChatGPT. Concrètement : l’une des nouvelles tonalités du service rappelait étrangement celle de l’actrice américaine… Soit, précisément, le timbre d’IA qui avait fait craquer Joaquin Phoenix, dans le plus-si-futuriste-que-ça Her, de Spike Jonze. OpenAI aurait-elle voulu s’offrir un coup de com’ avec ce « clin d’œil » ? Moins probable, mais plus sulfureux : le « plagiat » – fermement démenti par l’entreprise américaine -–suggérerait-il que le so serious chatbot « GPT » s’aventurera prochainement vers les rivages enfiévrés de la digi-romance ? Après tout, le secteur représente un business florissant. Ce qui ne va pas sans poser des questions éthico-conjugales d’un genre inédit.

LES COCUS DE L’IA

Intimate, Eva AI, Romantic AI… Dopées au deeplerning, ces plateformes numériques offrent, via des offres premium, l’opportunité de nouer des relations « aux bras » d’avatars plus ou moins baroques, et d’échanger du contenu NSFW. Sous forme de sextos, de nudes, mais aussi de vocaux explicites. Et si aux yeux du contemporain, badiner avec une IA paraît au mieux comme une excentricité, au pire comme une perversion, il y a tout à parier que la donne s’apprête à changer. Tout bonnement parce que, lentement mais sûrement, cet outil se drape des atours de l’amant, sinon « idéal », du moins safe par excellence – ce qui n’est pas rien. Le secret ? Une disponibilité enjouée 24h/24, 7j/7j. Avec, en guise de « personnalité », ce triplé gagnant : bienveillance, sollicitude, tolérance – surtout envers vos penchants les moins avouables. De quoi offrir une précieuse « intimité refuge » aux personne souffrant de misère affective… ou de n’importe qui, à vrai dire. Personnes en couple comprises.

Alors que de nombreux débats s’échinent à redessiner les contours de la relation romantique – non-exclusive, poly-A… – peut-être y-a-t-il, d’ores et déjà, urgence à inclure l’IA dans l’équation. Histoire d’avoir un coup d’avance. Car un changement de paradigme s’esquisse à l’horizon : s’il paraît aisé de balayer d’un revers de main les accusations « d’infidélité » lorsqu’on cause de porno ou de sextoys – aisément relégués au rang de simples supports masturbatoires – quid des e-partenaires ? Au fond, échanger confidences et scénarios érotiques avec un chatbot depuis des mois, comme on le ferait sur un portail de rencontre « tradi », n’est-ce-pas déjà basculer du côté de la relation émotionnelle – et donc de l’extra-congugalité ?


POT AUX ROSES

Imaginons. Énième scène de ménage avec « votre moitié » ; pour décompresser, vous vous faites dorloter par votre amant numérique, décidément moins belliqueux que « le dragon » d’à côté. Problème : le pot aux roses est découvert – un oubli du mode « sourdine » sur les notifs’ de votre téléphone. L’erreur bête, quoi. « Tu oses l’appeler « mon amour » ? », « comment as-tu pu laisser ton avatar te soumettre, alors que tu n’as jamais évoqué de fantasmes BDSM avec moi ? ». Etc. S’il paraît a priori inconcevable de se montrer jaloux « de » l’IA (qui ne sera jamais qu’un instrument informatique), on peut très bien imaginer l’être vis-à-vis d’une intimité patiemment tissée avec elle. De là à taxer votre âme soeur de « partenaire adultère » dans cette configuration chagrine, où il témoignerait plus d’affection à son chatbot qu’à vous-même, il n’y a peut-être qu’un pas. Quant à savoir s’il serait délirant de le franchir…

 

Par Antonin Gratien