Telles des photos de soirées postées sur skyblog, les toiles de Marilou Bal vibrent par leurs couleurs saturées et leur reflet des sentiments adolescents. Sous le prisme de la fête et des débuts d’Internet, ses œuvres dressent le portrait de la génération MSN.
« J’aime la picturalité des images numériques avec lesquelles ma génération a grandi. La retranscrire en peinture me permet de me réapproprier ces sentiments ressentis lors de mon adolescence. » Après des études d’arts visuels à la HEAD à Genève, Marilou Bal s’est mise à peindre en 2017. Créées à partir d’images trouvées sur la toile, ses œuvres sont comme le portfolio de la première génération à avoir connu Internet. Après la Suisse, la Belgique et l’Allemagne, l’artiste de 33 ans expose pour la première fois à Paris, à la Galerie Sultana jusqu’au 24 février.
FAIS-MOI VIBRER
Ces premières images qui circulaient before Instagram, prises avec des Nokia 3310, sont d’une qualité indiquant nettement leur époque, celle où Paris Hilton était plus en vogue qu’Elon Musk. C’est cette dégradation photographique, de ces pixels fluorescents, qui intéresse Marilou Bal et qu’elle retranscrit grâce à la peinture à l’huile « Les dégradées de pixels sur les images références forment une vibration inattendue lorsque je les peins. En appliquant des couches de glacis, une impression de fondu et de transparence se crée, l’image devient fantomatique. » L’aspect spectral des portraits de l’artiste est accentué par les couleurs qu’elle utilise, donnant à ces visages un rayonnement iconographique, années 2000 « Je creuse la lumière avec les couleurs, les ombres ne sont jamais noires, cela donne un effet psychédélique, comme sur les vieux jpg. » Telle une impressionniste contemporaine, Marilou Bal crée grâce à ses touches de pinceaux un moirage coloré, comme si nous regardions un écran « Ces dernières années, j’ai été initiée aux champignons hallucinogènes, cela a modifié ma perception des couleurs, elles sont devenues plus chimiques et psychédéliques. » Regarder les peintures de Marilou Bal sur les murs de la galerie Sultana, ou comment prendre de la drogue sans drogue.
JEUNESSE EXPOSÉE
Pour cette exposition, les œuvres de l’artiste rencontrent celles de William S.Burroughs ou encore Derek Jarman, sous le thème d’« Happy Accidents ». Titre qui incarne un des sens principaux de ses œuvres, sa notion des limites, liées à la fête et à la construction identitaire de l’adolescence. « Mes peintures sont liées à une expérience personnelle, je peins des épisodes adolescents de fête, de paraître, de désinhibition, d’alcool… Des personnages random qui nous donnent un œil sur leur époque, par la forme des sourcils, le maquillage des années 2000… » Comme un processus de guérison, Marilou Bal se réapproprie ces sentiments universels de honte, de domination, de manque de confiance, vécus dans sa jeunesse, en les dépeignant dix ans plus tard. « Arrivé à la trentaine, beaucoup de sentiments se comprennent, j’aime questionner la construction de la féminité, de la sexualité, des amitiés mimétiques. J’ai à chaque fois l’impression que c’est un autoportrait. En peignant, j’oublie le sujet de départ qui se transforme en une expérience avec la toile elle-même. »
Du 13 janvier jusqu’au 24 février à la Galerie Sultana, 75 rue de Beaubourg, 75003 Paris. Curateur : Paul Hameline.
Par Mathilde Delli