Marcia Romano, scénariste, et Benoît Sabatier, grande plume du Technikart canal historique, signent à quatre mains des films underground et musicaux. Leur nouvel ovni, Fotogenico, drôle et mal peigné, déboule en salles.
Comment ça commence le cinéma pour vous ?
Benoît Sabatier : À l’époque, je suis rock critic à Technikart, Marcia est scénariste. Je lui demande pourquoi elle ne passerait pas à la mise en scène et je me dis que je vais lui écrire un truc. Finalement, on l’a écrit ensemble.
Marcia Romano : En 2010, on réalise Quand j’étais gothique, un court-métrage très classique pour Arte, avec l’argent du CNC, une équipe de long-métrage, Roxanne Mesquida… Et c’est la pire expérience de ma vie ! L’équipe nous disait ce qu’il fallait faire et surtout ce que l’on ne pouvait pas faire. En réponse à ce trauma, on tourne notre premier long, Le Moral des troupes, en 2012 en auto-production.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Benoît : Pour Le Moral des troupes, nous étions cinq, avec un chef op, un mec pour le son et un couteau suisse qui était batteur dans un groupe. Et nous nous sommes dits que l’on allait faire cette fois un film où tout était possible. On changeait l’histoire si on voulait, on choisissait les décors et les comédiens que l’on aimait… Du cinéma en liberté. Marcia a pris le chèque d’un scénario, on tourné ça pour 20 000 euros et tout le monde a été payé. On a fait nos trois longs-métrages – Le Moral des troupes (2015), Amore Synthétique (2016) et Pastis brut (2017) – à cinq personnes et avec à chaque fois dix jours de tournage. Pour le casting, c’étaient des gens de la scène garage-punk de Marseille.
Marcia : Notre urgence, c’était de filmer les salles rock de Marseille qui étaient en voie de disparition. Depuis, les gens et les lieux ont disparu… Pour Fotogenico, l’histoire d’un père en deuil qui débarque à Marseille pour élucider la mort de sa fille, on a travaillé avec le producteur Frédéric Dubreuil, dans un schéma de production plus classique.
Comment s’est monté le film ?
Marcia : Avec le Covid, c’est devenu encore plus dur de financer le cinéma indépendant. On a obtenu 400 000 euros du CNC qui a déclaré « on ne comprend rien à ce projet, mais on paie pour voir ». On a pensé que c’était le début du financement ; ça a été le début ET la fin du financement, car on n’a rien eu d’autre, ni télés, ni régions.
C’est quasiment le budget d’Avatar pour vous.
Benoît : Nous, on sait faire un film pour 20 000 euros, alors 400 000 ! On s’est battus pour avoir 24 jours de tournage. Pour le casting, on voulait Christophe Paou, un acteur génial que l’on avait vu dans L’Inconnu du lac, mais aussi Roxanne Mesquida, Angèle Metzger… On a écrit pour eux. Le reste du casting, ce sont des rencontres dans Marseille. Et l’équipe technique était constituée d’une quinzaine de personnes.
Lors du tournage, vous semblez avoir favorisé les accidents.
Marcia : On écrit un scénario, mais on n’est pas toujours fan de ce qu’on a écrit. La vie, c’est toujours mieux que le scénario ! Nous avons l’obsession que ça vive et donc on peut tout changer quand on filme. Le tournage, c’est la célébration de choses que l’on voit dans la rue et que l’on trouve belles : un visage, un bâtiment, un graffiti, une affiche…
C’est un film musical, une comédie underground, mais c’est aussi un film fétichiste.
Marcia : J’adore le cinéma fétichiste et underground. On aime le cinéma de cancres, John Waters ou les premiers Almodóvar…
Benoît : La musique, c’est du fétichisme. Quand j’avais douze ans, je passais mon temps à inspecter chaque recoin de mes pochettes de disques. Chaque plan de Fotogenico est une pochette de disque qui déborde de vie.
Il vous faut combien d’entrées ?
Benoît : Aucune idée, ça nous dépasse. On devrait néanmoins avoir une cinquantaine de salles et l’ACID (association du cinéma indépendant pour sa diffusion, ndlr) va faire vivre le film pendant un an. On verra bien…
Fotogenico de Marcia Romano & Benoît Sabatier. En salles.
Par Marc Godin