MATTHIEU JACQUIER : « UN UNIVERS SAIN POUR LA RENCONTRE »

Matthieu Jacquier meetic technikart

La certitude de Matthieu Jacquier, CEO Meetic Europe : nous croyons en l’amour. Son sujet ? L’évolution des codes de la rencontre.
Interview speed dating.

Depuis que vous travaillez pour Meetic (2017), quels facteurs ont fait évoluer la rencontre ?
Matthieu Jacquier : Une chose ne change pas : la croyance en l’amour, et même en l’existence de l’âme sœur. Par contre, les codes de la rencontre et de l’amour n’arrêtent pas de changer.

Les moteurs de ces changements ?
Trois ont été cruciaux ces dernières années : le développement des réseaux sociaux, #MeToo, et le Covid. Une distance critique s’est construite vis-à-vis de nos usages. Mais les applis et les réseaux sociaux ont apporté une habitude de communication entre les gens. #MeToo a changé les codes de comportements entre les hommes et les femmes. Une partie importante des femmes est plus à l’aise, tandis que les hommes questionnent davantage leur prise de parole. Enfin, l’effet paradoxal du Covid, c’est que les gens ont appris qu’il était important de prendre du temps pour soi, tout en ayant ressenti qu’il était difficile d’être seul. Enfin, les célibataires ont traversé le Covid seuls. Pour eux, la nécessité de rencontrer quelqu’un s’est accrue.

Où se situe Meetic par rapport à ces évolutions du dating ?
Meetic est sur le créneau de la « rencontre sérieuse ». Notre ADN, c’est l’authentique, « in real life ». On organise des rendez-vous partout en Europe depuis plus de 20 ans. C’est pourquoi, les célibataires viennent chez nous.

Les célibataires ont-ils modifié leur façon de concevoir la rencontre ces dernières années ?
Il y a vingt ans, aucune application de rencontre n’existait. Aujourd’hui, plus de la moitié des couples se rencontrent à partir d’applications de dating. Pendant le Covid, le nombre d’usagers a massivement augmenté, mais nous revenons aujourd’hui à la tendance longue, qui est une augmentation générale et progressive du nombre de personnes à se rencontrer depuis une application. Les codes de la rencontre, par contre, ont évolué, en particulier quant au premier rendez-vous. Notamment, à propos de la compression du temps : les célibataires se rappellent plus vite qu’il y a quelques années. Mais en fin de compte, les interrogations centrales de séries comme Sex and the city, Friends ou Sex Education sont toujours les mêmes : quelles questions poser lors d’un premier rendez-vous ? À quel moment rappeler l’autre ?

Est-ce pour mieux comprendre l’évolution des codes de la rencontre que, cette année, vous avez lancé le « dating lab », un laboratoire de recherche composé d’experts (philosophe, psychologue, neurologue…) ?
Oui, et également pour accompagner les célibataires. Depuis 20 ans, on est un observateur du monde de la rencontre, des révolutions d’usages et de comportements. Pour rester pertinent, on s’entoure d’experts, mais on veut partager le résultat de ces discussions. La réalité des codes n’est pas nécessairement ce qui est perçu. Si on dit partout qu’il est normal de coucher le premier soir, mais que la réalité du monde est toute autre, alors un fossé se creuse. Nous cherchons à créer un univers sain de la rencontre. « Manage expectations », disent les Anglo-Saxons. C’est mon rôle.

Et que disent les experts à propos de l’évolution des codes de la rencontre ?
Après avoir longtemps travaillé avec la sociologue Marie Bergstrom, on s’est entouré d’une philosophe, d’une psychologue, d’une neurobiologiste, d’un artiste-plasticien, d’une experte en conversation et d’un coach. Ils ont des points de vue différents. Marie Robert, philosophe, explique par exemple qu’il faut oser aller vers l’autre, c’est-à-dire d’accepter de sortir de nos a priori.

Comment faire passer ce message, que l’âme sœur n’est pas la reproduction de critères fixes ?
Marie Victoire, psychologue, dit qu’il y a tout de même des questions cruciales à poser. Pour le coach, la relation, c’est apprendre à accepter les imperfections de l’autre. L’âme sœur est possible, si on y croit, mais elle ne sera pas parfaite. La relation, c’est aussi progresser ensemble.

Le profil d’utilisateur à la recherche d’une rencontre sérieuse, qui dure, a-t-il évolué d’après ce que vous percevez ?
Pas vraiment. On se positionne majoritairement selon une demande liée à une période biologique assez claire, autour de 30 ans, où se posent des questions, globalement, autour de la volonté de s’engager. Pour les quadragénaires, les enjeux sont différents, de même pour les quinquagénaires. C’est pourquoi, on a créé DisonsDemain pour les plus de 50 ans, et Even pour les parents célibataires avec enfants. L’objectif, c’est de proposer une self place pour toute personne à la recherche d’une rencontre authentique.

L’évolution des codes de la rencontre a-t-elle modifié l’organisation et la création des soirées et événements organisés par Meetic ?
Oui ! On ne fait plus de soirées. Parce que c’est un univers avec beaucoup de codes, et tandis que certains sont à l’aise, d’autres tiennent le bar, et ne rencontrent personne. En revanche, le format du speed dating revient en force ! Parce que c’est efficace, et c’est l’assurance de rencontrer des gens. On fait par ailleurs toujours des cours de cuisine, des karaokés…

Observez-vous une volonté croissante de faire « moins de dates, mais de meilleure qualité » ?
En dix ans, le nombre de personnes qui affirment n’avoir aucun problème pour rencontrer quelqu’un est passé de moins de 10 % à 20 %. Mais 80 % ne disent pas cela. L’enjeu général n’est donc pas de rencontrer moins, mais de rencontrer tout court.

À ce propos, remarquez-vous des différences importantes sur le territoire ?
Notre force, c’est de couvrir tout le territoire et toutes les CSP. En général, les deux critères pour une rencontre sont l’âge et la proximité. Hors des grandes métropoles, réaliser un premier date est donc plus difficile.

Comment intégrez-vous l’IA à l’application ?
Cela fait longtemps qu’on travaille dessus. En particulier, en tant qu’outils de protection des données. Il y a, d’autre part, trois grands cas d’usage pour l’IA. Faciliter la rencontre (grâce aux algorithmes), aider à faire un meilleur profil, et améliorer la sécurité, pour détecter les mauvais comportements, par exemple. C’est donc un usage très pragmatique.

En 2025, comment répondre à vos objectifs de renforcer la sécurité de la rencontre ?
Nous ferons de plus en plus de speed dating, « in real life », comme en ligne, ce qu’on fait déjà tous les dimanches soir. C’est une super occasion de créer de la connexion. Enfin, je veux que le profil des utilisateurs aille vers toujours plus d’authenticité et qu’ils soient plus riches.

www.meetic.fr

 

Par Alexis Lacourte
Photo Axel Vanhessche