La ligne de fragrances Akro est la dernière idée d’Olivier Cresp, (Angel de Thierry Mugler, Midnight Poison de Dior…). Il nous présente ses sept parfums de niche, inspirés de nos excès préférés : clope, alcool, sexe, shit, café, chocolat, tatoo. Interview sans mesure.
Vous êtes originaire de Grasse, la Mecque française de la parfumerie. Comment en êtes-vous arrivé à créer des parfums inspirés de la clope ou de l’alcool ?
Olivier Cresp : Mon père et mon grand-père étaient courtiers en matières premières, dans la parfumerie. Et on est une famille très épicurienne, on aime bien boire, bien bouffer, le sucré, les desserts, etc. J’ai vu mes parents fumer, ma sœur aussi, mes enfants aussi. Mais il y a de bonnes addictions, et la vie est plus joyeuse quand on est dans les excès. Tous les artistes sont excessifs, les excès sont les couleurs de la vie. J’essaie de prendre le bon côté de ces odeurs.
Il faut du temps pour apprécier vos fragrances, comme il en faut pour le café, ou la clope ?
Nos parfums sont très originaux, donc il faut les décrypter, les comprendre. Mais je trouve que les consommateurs sentent de mieux en mieux, ils sont très au courant des dernières avancées en parfumerie.
Vous qualifiez votre parfumerie de figurative, pouvez-vous nous en dire plus ?
Ce que vous allez sentir, vous allez en même temps le voir. Avec Ink par exemple, le dernier de la gamme Akro, quand on s’en asperge sur un tatouage, ça sublime encore plus le tatouage, et l’odeur aussi. La parfumerie figurative, c’est toute ma vie. Je ne sais pas faire un parfum abstrait. Lorsque je pars de la résine de cannabis, j’essaye de reproduire l’odeur du cannabis, que je vais traduire en plaisir, de façon à ce que mon parfum sente bon sur la peau, soit puissant, long-lasting, et à fort sillage. Je pense être le seul parfumeur au monde à faire du figuratif. Mes confrères sont plutôt dans l’abstrait. Il faut se plonger vraiment dans le marché de niche pour se faire plaisir.
Vous évoquez le fait d’exprimer des images par des senteurs, Kraftwerk parlait de « tone films », pour évoquer des sons qui évoquent des images… Feriez-vous du « perfume film » ?
J’appelle ça différemment, mais en parfumerie comme en musique, il faut trouver des nouvelles techniques. Kraftwerk, c’était des musiques planantes, et c’est des gens qui devaient fumer ou prendre du LSD… Dans une décennie, chacun apporte quelque chose, c’est ça qui est important,pour faire avancer le marché, la profession.
Vos parfums sont des parfums d’expérience ?
Je raconte une histoire dans mes parfums, comme quelqu’un écrit un bouquin, ou une chanson. Il faut toujours regarder la double interprétation, les contrastes. Avec Angel de Thierry Mugler, les gens peuvent dire que c’est un patchouli vanillé gourmand, quand d’autres perçoivent autre chose, qu’il est très sensuel par exemple, très sexy, etc.
Récemment, vous avez fait un partenariat avec Nicolas Cloiseau, pour réinjecter Dark (votre fragrance liée au chocolat), dans du vrai chocolat… Les produits qui ont une odeur se vendent-ils mieux que les autres ?
Quand on passe devant les boulangeries, certaines ont des diffuseurs de croissant, de pains au chocolat, et les gens, inconsciemment, se disent « ça sent bon, tiens, j’en achète ». Donc oui, l’odeur peut faire vendre. Abercrombie vend par exemple leurs pull-over et leurs jeans avec Fierce, une note très fougère, très propre, et ça fait vendre.
Par Jean-Baptiste Chiara