PAUL DE SAINT SERNIN : « FAIRE DU JIMMY FALLON ! »

Paul de Saint Sernin technikart

Humoriste au clash cringe sur le plateau de Léa Salamé (« Quelle époque ! ») et sur DAZN, le sniper sensible Paul de Saint Sernin se dévoile dans son spectacle éponyme. Interview ciblée.

Légende photo : KING OF CLASH_ Paul de Saint-Sernin a troqué sa chevalière contre un manteau léopard (« j’ai voulu jouer à être JoeyStarr »). Gare à vous.

Tu joues en ce moment ton spectacle au Théâtre du Marais (75003), dans une salle de 90 sièges. Vous avez un truc, vous les humoristes, avec les petites scènes. C’est quelque chose qui te rassure ? 
Paul de Saint Sernin : C’est commun aux stand-uppers. Ils te diront tous que rien ne vaut le côté comedy club. Je dirais même que c’est plus facile d’arriver sur une immense scène. Dans une petite salle, c’est à toi de construire l’ambiance. Et si tu arrives à créer ce côté soirée entre potes au bout de quelques minutes, t’as tout gagné. 

En plus de ça, ton spectacle est dans le genre spontané, ponctué d’interactions avec le public, très à la mode sur les réseaux.
J’essaie de doser mon interaction avec le public, parce que même si les gens viennent voir le Sniper de « Quelle époque ! », j’ai vraiment envie de montrer autre chose. Il y a certains cheat codes dans le stand up dont il ne faut pas trop abuser.

Tu étais journaliste sportif avant ça. Pourquoi avoir abandonné ce métier de rêve ?
Je voulais créer quelque chose.

Et créer tout en étant journaliste, t’es en train de nous dire que c’est pas compatible ?
Il faut faire attention au mélange des genres. C’est dangereux d’avoir une personnalité quand t’es journaliste. Il y a des exemples de mecs à la télé aujourd’hui qui donnent leur avis, alors qu’ils sont journalistes, leur taf c’est de relater des faits, et ça donne des dérives. Quand on m’a appelé sur DAZN (Paul de Saint Sernin anime les soirées de la ligue 1 sur DAZN, ndlr), on m’a demandé de faire du Jimmy Fallon, sauf que ce n’est pas adapté  : on ne sait pas si tu es présentateur, animateur, comique… Je crois que je vais revenir à mon rôle d’origine, balancer des vannes en parlant de sport, mais assumer mon rôle d’humoriste. 

« IL Y A PLUS D’AUTO-DÉRISION CHEZ LES POLITIQUES QUE CHEZ LES FOOTEUX… »

 

Tu as commencé dans des comedy club, des restaus, des cafés. Ton écriture a-t-elle évolué ?
Tu n’imagines pas à quel point. Quand tu démarres, tu fais du mimétisme. Alors que le secret, c’est de créer ton propre personnage.

Tout à l’heure tu semblais dire que tu ne voulais pas seulement être le « Laurent Baffie de 2024 » ou un « Paul Mirabel sous protéines ». C’est quoi ton perso ?
Je suis très fier qu’on me compare à Laurent Baffie, il me considère lui-même comme une « relève ». Mais le Paul de scène est beaucoup plus proche de qui je suis en réalité que celui qui balance des saveurs sur un plateau télé.

Quand tu montes sur scène, tu capitalises sur ce qui n’est pas drôle ?
Oui, tu peux faire un spectacle hilarant avec des blagues très bien écrites mais qui ne te touchent pas. Pour autant, ce ne sera jamais aussi puissant que de faire rire avec son propre malheur où le rire du public devient organique. Comme le jour où la thérapeute a dit très sérieusement à ma femme : « Fuyez ! ».

Pour intervenir sur le plateau de « Quelle époque ! », et vanner des invités, il faut pas mal d’auto-dérision je suppose. Comment t’es-tu laissé convaincre d’endosser ce rôle ?
J’avais dit non, au départ. Le producteur, Régis [Lamanna-Rodat], m’a convaincu de faire un pilote, avec un faux public, de faux invités. J’ai tenté des trucs, personne ne rigolait. Je lui ai dit, franchement ça va pas le faire. Et il finit par me convaincre en me disant que depuis Fabrice Eboué chez Fogiel, il cherche quelqu’un, etc. J’ai fini par dire oui.

Quelle est la marge d’impro sur le plateau ?
C’est 100 % d’impro, je suis libre de dire ce que je veux, personne ne contrôle les interventions.

Comment ne pas foirer son intervention ?
Je bosse à fond la vie des invités. En lisant la bio Wikipédia de ceux qui viennent, je fais en sorte qu’ils deviennent mes potes depuis vingt ans. Et puis j’ai des mots-clefs, dès que je les entends, je balance ma vanne.

On n’a pas trop le droit de le dire, mais ta première passion, c’est le ballon rond. Tu racontes avoir été envoyé en Irlande quand tu étais gosse, et martyrisé par des écoliers à la carrure de rugbyman. D’où ta préférence pour le foot ?
Non, j’ai toujours aimé ça. Je viens d’une famille où on nous fait faire six ans de tennis. Ou du rugby, parce qu’on vient du Sud Ouest, c’est une culture où on est des « hommes », on mange du saucisson, etc. Donc moi, le petit maigre qui fait du foot, j’étais un peu tout seul dans mon coin. Ça m’a donné envie de crier haut et fort : les footeux ne sont pas débiles et les supporters ne sont pas des beaufs.

Il y a un changement à faire dans le traitement du foot ?
Je veux montrer que c’est un vecteur social important. Evidemment, si ta question pour un footballeur c’est : « t’as gagné, t’es content ? », ils ne vont pas dire grand-chose. Mais si je leur demande, « Alors, t’as 19 ans, tu viens de gagner douze millions d’euros, ça fait quoi ? », on peut révéler un peu plus leur humanité.

Autre grand thème de ton spectacle, ta famille nombreuse, catholique et traditionnelle. Alors, qui a le plus de second degré, les footeux ou les cathos ?
Les cathos, sans hésiter ! Les supporters de foot, c’est zéro recul. Tu vannes l’OM, le lendemain sur Twitter t’es un enfoiré de Parisien. Il y a plus d’auto dérision chez les politiques que chez les footeux, c’est pour dire. Alors que les joueurs ont beaucoup d’auto-dérision, les champions du monde de la vanne sont dans les vestiaires. Ils ont cette culture-là. Alors que le supporter, le club, c’est sa religion à lui. Et je suis un peu contre le clubisme. Eux, y a un truc presque religieux. Je sais que beaucoup de supporters ont beaucoup plus d’intelligence à offrir que ça.

La suite ?
Mon spectacle à Paris, jusqu’au 28 décembre. Et, à partir de janvier, la tournée, partout en France !

 

Par Violaine Epitalon
Photo Julien Grignon