Les deux frangins de PNL reviennent avec un album aussi brillant que le précédent. Production de pointe, mélodies célestes et paroles affutées, Tarik et Nabil mettent les petits plats dans les grands – de quoi ravir Jean-Louis Murat.
1 – « AUDD »
Dédicace à Didier Deschamps ? À Didier Drogba ? À Didier Decoin ? Ce dernier, secrétaire général de l’académie Goncourt, a trop rarement débuté des romans par cet incipit : « Bats les couilles de l’Himalaya / Bats les couilles j’vise plus le sommet / Mon cœur fait ouhlalala. » Entre deux borborygmes imbitables, il est ensuite question de « putes », de « pédales », de « pectoraux gainés », de « jungle », de « singeries », etc. Idéal comme bande-son quand on fait des abdos à Thoiry avec son dealer, deux michetons et trois gorilles.
« EH OUAIS J’SUIS BON QU’À ÉCRIRE DES TEXTES DE MERDE. » (« ZOULOU TCHAING »)
2 – « AUTRE MONDE »
Ça commence par un aveu prometteur :
« J’ai envie de rentrer à la maison. » Bon débarras ? Il reste encore quatorze titres à se farcir – avec des rimes riches entre « Mecque » et « mec », ça va être long. L’un des deux gusses martèle qu’il aimerait « être bête », n’avoir « plus rien dans la tête ». Comment dire… On restera poli. Mais difficile de ne pas penser aux clowns lyriques de Libération qui ont parlé à propos de ce disque de « rap pascalien de la déréliction entre Corbeil-Essonnes et Saturne ». Pascal, vraiment ? Et pourquoi pas Dostoïevski ? Les Frères carrément bof ?
3 – « CHANG »
« Baisse ma braguette si c’est ta volonté » : ça ira, merci, tout le monde n’est pas pigiste à Libé’.
4 – « BLANKA »
La recette PNL est simple comme bonjour : boucles lymphatiques et paroles pompées à de malheureuses victimes du syndrome de Gilles de La Tourette, sans aucun respect du secret médical. « Et si cette vie n’est pas bonne, j’la baiserai pas. » « Coco joue pas le kéké, arrive comme Kaka. » « J’sors ma bite dans les prolongations / Epoque œil pour œil et bouche sur gland. » Etc. Avec toutes les trois phrases, un petit « bats les couilles » en guise de jingle. Blaise Pascal, on vous dit. Et Marwa Loud, c’est Simone Weil ?
5 – « 91’S »
Surprise : ça vire funky chez les feignasses ! Pour une fois que les deux dépressifs ramollos gigotent dans leurs sportswears, c’est la fête à la maison… Les fous du « biff » se rebiffe ! Neurasthénique ta mère ! Les paroles restent de haut vol, à croire que le crétinisme alpin s’est délocalisé dans la cité des Tarterêts : « J’fuck l’esclavage, j’revends la blanche à Obama. » « Et pour le coup, j’suis pas une star d’Hollywood / Bats les couilles, j’fais du Beverly Hills. » « Ouais, tu peux pas comprendre l’histoire d ’une vie / Donc pose pas de questions ou interviewe ma bite. » Un stagiaire de Libé’ se dévouera sans doute pour ce passionnant entretien.
6 – « À L’AMMONIAQUE »
Après ce petit zouk rigolo, retour aux choses sérieuses : mal-être, parano, pleurnicherie, philosophie – « Inch’Allah, c’est le désert dans la tête. » Rappelons que Pascal n’a pas écrit que ses profondes Pensées. Il est aussi l’auteur des Provinciales, un des pamphlets les plus poilants de l’histoire de la littérature française. Tarik et Nabil devraient peut- être s’inspirer de sa vista comique. Mais l’humour et eux, ça fait deux. A côté, Damso, c’est Sacha Guitry…
7 – « CELSIUS »
C’est reparti comme en 14 : « On prend le rap, on l’encule à deux / J’ai mal à la vie, j’recompte mon fric / Toi, pense à ma bite. » La musique, ou ce qui en tient lieu, ressemble à tout ce qui se fait partout en ce moment chez les zombies du rap. Une phrase nous arrête pour des raisons personnelles : « J’sais d’où je viens, non pas le cul qui sort d’un château. » On avait remarqué, les cocos ! Saint- Simon, Gombrowicz ou Nabokov avaient grandi dans les châteaux de leurs ancêtres, ils étaient en effet plus civilisés.
8 – « DEUX FRÈRES »
Emouvant manifeste des « princes de la ville », par ailleurs « rois du hall » – pour des gens qui n’ont pas été élevés dans un château, ils ont de rutilants titres de noblesse. Booba, le duc de Boulogne, peut aller se rhabiller. Rois du hall, ça claque ! À quand un reportage de Stéphane Bern sur ces nouvelles têtes couronnées ? Quel beau parcours que celui de nos deux lionceaux : « J’ai grandi dans le zoo / Je suivais les cris dans la jungle, les pas de grand frère / Rien ne nous séparera, même pas nos bitchs / Bats les couilles de ces fils de pute. »
9 – « HASTA LA VISTA »
J’en suis à la moitié du disque des deux neuneus, et j’ai l’impression de ne plus avoir de cerveau… Qu’à cela ne tienne, hop, un nouveau zouk ! Qu’a dit Jean-Louis Murat de PNL, déjà ? Ah oui : « PNL est au rap américain ce que Richard Anthony était à Bob Dylan. Autrement dit, une vaste et funeste blague. Ce sont des petits Macron qui essaient de faire du pognon en ayant le QI d’une fourchette ! PNL, c’est du niveau du Club Dorothée. » Pas très sympa pour les Musclés, qui n’ont rien demandé…
10 – « CŒURS »
Je n’en peux plus, je zappe.
11 – « SHENMUE »
Idem.
12 – « KUTA UBUD »
« J’ai envie de ken, aux illes-cou j’ai mis les chaînes / Chienne, bouge ton boule, Mowgli n’a pas le time / Appelle-moi Mowgli, woo woo ! / Je m’en bats les couilles, je tords l’âme d’une groupie, tard le soir dans la nuit, très loin de Paris, et j’m’en bats les couilles. » L’éducation dans les châteaux, mine de rien, c’était bien. On y apprenait la délicatesse mieux qu’au zoo. Ce soir, je me refais l’intégrale de Downton Abbey.
13 – « MENACE »
Plus que quatre titres ! Bientôt la délivrance, loin des valseuses, loin des joyeuses…
14 – « ZOULOU TCHAING »
« Eh ouais j’suis bon qu’à écrire des textes de merde. » Première phrase lucide de l’album. Il faut croire aux miracles. Maintenant, on va peut- être pouvoir reprendre tranquillement les bases : tournures grammaticales, rudiments d’orthographe, ponctuation. Mais l’alphabet est-il maîtrisé ?
15 – « DÉCONNECTÉ »
L’autre jour, Beigbeder a accompagné Houellebecq à l’Elysée – ce dernier devait recevoir la Légion d’honneur. À cette occasion, Beigbeder a dit à Macron qu’il devrait légaliser le cannabis. Réponse de Macron : « Je n’y suis pas favorable, pour deux raisons : d’abord les trafiquants passeront aux drogues dures, ensuite le cannabis ramollit le cerveau des enfants. » Cela doit faire une heure que je patauge dans Deux frères et je confirme : chez PNL, les neurones ne sont plus qu’un lointain souvenir.
16 – « LA MISÈRE EST SI BELLE »
« J’suis triste comme d’hab’ / Fuck c’est pas la peine de réfléchir / J’pense plus à Gucci pour me vêtir / Parfois je m’habille en geush, bats les couilles / La solitude c’est juste une te-pu / Etre accompagné de ces faux serait une partouze / Et ce soir j’fume, j’suis torse nu / J’suis devenu aussi vide que ma trousse / Faut s’en sortir, Tarik / La vie c’est ça, Tarik / Tu les encules, Tarik / Un jour viendra, no panic. »
FIN DE L’ALBUM !
C’est bon, j’en ai soupé des deux pitres, de leurs pectoraux gainés dont ils sont si fiers et de leurs coupes de cheveux ridicules dont aucun poney ne voudrait, même après avoir beaucoup fumé. Tchao, les bimbos ! Une dernière remarque avant de rendre l’antenne : je n’avais encore jamais remarqué que Nabil, c’est le masculin de Nabilla. Tout s’explique. À quand un duo au sommet ? Les grands esprits se rencontreraient. Mais je vois d’ici la réponse de Tarik : « Bats les couilles. »
Deux frères (QLF Records).
Par Louis-Henri de La Rochefoucauld