Impossible d’y échapper. Depuis que le réseau chinois est à la pointe de l’influence, les vedettes aux milliers d’abonnés infiltrent les runways et autres podiums de la fashion. Décryptage.
Cette saison, la Fashion Week de New York a certainement été l’une des plus ratée que l’on n’ait jamais vue. Bien que rarement glorieuse, elle a été marquée par un nombre de faux pas embarrassants. Samedi, une Tiktokeuse connue uniquement pour être le sosie d’Ariana Grande, peinait à faire un aller-retour sur le runway, lundi un mec vêtu d’un rideau de douche en plastique tapait l’incruste avant d’être expulsé par la sécurité, tandis que mercredi, un humoriste portant des ailes d’ange a simulé une chute en plein milieu d’un défilé. Dans une vidéo TikTok devenue virale quelques jours après la fin des festivités, un certain Danny (près de 280 000 abonnés) explique que les ennuis ont commencé lorsqu’on a eu l’idée de remplacer les mannequins par des influenceurs… le comble !
Depuis plusieurs années, les créateurs de contenus sur les réseaux sociaux ont progressivement conquis les hautes sphères de l’industrie de la mode. Assis en front row des plus grands défilés, invités en voyages maxi-budget pour la sortie de chaque nouveau produit ou giftés tout au long de l’année – quoi que contraints de le mentionner depuis la loi n° 2023-451 du mois de juin –, on les a ces dernières fashion weeks aussi retrouvés sur les podiums.
PORTE-PAROLE BON MARCHÉ
L’année dernière à Paris, Wisdom Kaye (« l’homme le mieux habillé de TikTok » selon Vogue) défilait pour la maison Balmain. À Londres cette saison, c’était Sabrina Bahsoon, alias TubeGirl, sensation TikTok depuis sa vidéo où elle danse dans la rame d’un métro (photo ci-contre, ndlr), qui arpentait le runway de la marque de cosmétique canadienne MAC. Autrefois considérés comme porte-parole bon marché de produits à portée principalement commerciale, les influenceurs semblent aujourd’hui être valorisés au même titre que les professionnels les plus influents du secteur.
Volonté de démocratiser un secteur considéré comme élitiste ou besoin de raviver une créativité qui s’essouffle ? Dans l’espace que dédie la plateforme aux professionnels, cette dernière titre un communiqué : Les créateurs TikTok prennent d’assaut les Fashion Weeks et dévoilent les futures tendances mode… difficile de faire plus clair. Ainsi, chaque jour, « plus de 1 milliard d’utilisateurs […] s’inspirent des tendances découvertes sur la plateforme », ce qui représente donc en clients potentiels pour les entreprises 1/8 de la population mondiale. TikTok offre aussi aux marques la possibilité de se connecter « à un public plus large », ce qui veut surtout dire plus jeune, car en France, 72 % des utilisateurs ont moins de 24 ans.
En allant plus loin, on tombe sur une étude menée par la société de conseil Matérial en 2021 qui affirme que « les utilisateurs de TikTok à la recherche de contenus « mode » sont plus susceptibles (par rapport aux utilisateurs d’autres plateformes, ndlr) de découvrir de nouvelles marques et de nouveaux produits sur la plateforme ». C’est donc l’algorithme bien rodé qui est ici mis en avant. Même algorithme contre lequel l’UE a cet été établi le Digital Service Act permettant aux internautes de désactiver les contenus hyper ciblés.
De plus, cette année TikTok s’associe carrément à la Fédération de la Haute Couture et de la Mode – coordinatrice de la Fashion Week à Paris –, mais aussi à celle de Milan, Copenhague ou Londres pour une opération intitulée #TikTokFashionCollective, lors de laquelle des influenceurs utiliseront la plateforme pour partager des vidéos sur les différentes semaines de la mode. Aujourd’hui mannequins, lanceurs de tendance et quasi journalistes, quelle sera la prochaine étape ? Une collection dessinée par un Tiktokeur ?
Par Anna Prudhomme