Méprisée en son temps, pour son apologie de la vengeance et son exploitation de la violence mais réévaluée depuis par une certaine cinéphilie, la série des Death Wish, initiée par Michael Winner et mettant en vedette Charles Bronson, fait l’objet d’un coffret remastérisé qui caracole en tête des ventes. Les Français rêveraient-ils d’un justicier dans leur ville ?
Le 4 avril 1973, New York inaugurait son World Trade Center. Mais ces deux monolithes géants, d’acier et de verre, étaient un cache-misère : la ville, en proie au chômage et à la violence, était au bord du krach. Les ordures croupissaient à l’ombre de Wall Street, sexe et drogue se monnayaient, dès midi, sur la 42ème rue, et les balles perdues sifflaient à Hell’s Kitchen. Ce Manhattan de tous les dangers, c’est la toile de fond de Death Wish, adapté du roman de Brian Garfield. Tourné par Michael Winner pour quatre millions de dollars, le film quintuplera sa mise à sa sortie en juillet 1974. L’histoire ? Suite au meurtre de sa femme et au viol de sa fille, laissée catatonique, par un gang, Paul Kersey, un architecte à succès incarné par Charles Bronson, se métamorphose en vigilante d’une milice privée dont il est l’unique membre mais à l’efficacité redoutable. Planétarisé par les cartons des Sept Mercenaires, des Douze Salopards et d’Il était une fois dans l’Ouest, Bronson n’était pas le chouchou de la critique, mais cette dernière se bouchera désormais le nez à la seule évocation de son nom, comme à celui de Clint Eastwood, triomphant alors en «Dirty» Harry Callahan, un inspecteur de police déterminé à faire respecter l’ordre bafoué, du fait du laxisme et de la corruption des politiques et dont la morale se résume à: qui veut la fin veut les moyens. Passé l’amusement du premier Death Wish, on ne poussa pas le vice jusqu’à voir les quatre suivants. À tort, car le britannique Michael Winner, commissionné pour les opus II et III, y introduisit un humour très James Bond, comme dans la fameuse scène où avant de truffer de pruneaux un malfrat chevelu et barbu arborant un crucifix géant, Bronson lâche: « Tu crois en Jésus ? Tu vas bientôt le rencontrer ». Son successeur John Lee Thompson ne déméritera pas non plus avec Death Wish IV qui se clôt par une fusillade de gangs rivaux dans une plaine, digne des meilleurs westerns. Quant à Death Wish V, signé Allan Goldstein, il évoque The Dead Pool, dernier volet des aventures de l’Inspecteur Harry. Bronson y est tout aussi désabusé, lessivé, impuissant à endiguer la violence mais il finit par se réveiller et règle leur compte aux crapules avec une inventivité réjouissante.
NEEDLE PARK
Pourquoi parler de ces bêtises aujourd’hui ? Parce que l’histoire se répète : encouragé par les éditoriaux délirants du New York Times appelant à l’abolition de la police, Bill de Blasio, actuel maire démocrate, ne fait plus que du « social ». Résultat : le square de la 72ème rue et Broadway est redevenu un « needle park », il y a des viols sur la ligne 1, et des fusillades en plein jour dans l’Upper West Side. En France, la vengeance personnelle a également rejoint la liste des droits de l’homme. Pas un jour ne passe sans un règlement de compte: adolescents poignardés pour un regard ou pour une fille, dealers se disputant un territoire, victimes de personnalités du show-business ou de la politique auxquelles les médias offrent des réquisitoires, clés en main, à partager sur les réseaux sociaux. Adieu présomption d’innocence, procès équitable et autres concepts désuets de la démocratie libérale. C’est le retour du lynchage et des autodafés, de l’identification à la race, au genre et à la religion, et les hérauts de la gauche universaliste, nourrie des Lumières et de Marx, se retournent dans leur tombe.
UN JUSTICIER DANS LA VILLE
L’INTEGRALE I-V
(SIDONYS CALISTA)
Par Eric Dahan