Idole romantique d’une génération d’adolescentes grâce à la saga Twilight, le comédien britannique Robert Pattinson, 38 ans, n’a eu de cesse de brouiller les pistes et de prendre tous les risques. À la tête d’une filmo arty, il revient dans Mickey 17, énorme blockbuster SF signé du Coréen zinzin Bong Joon-ho.
Rencontre avec un player d’Hollywood qui aime Godard, Don DeLillo, la mode et Romain Gavras.
Légende photo : ROBERT DÉCOLLE_ Trois ans après The Batman, Pattinson revient sous la direction du Coréen Bong Joon-ho, lauréat de la Palme d’or pour Parasite, avec Darius Khondji à la photo et les meilleurs spécialistes d’effets spéciaux.
Avec la saga Twilight, Robert Pattinson est devenu un poster boy, l’idole d’une génération amoureuse du beau vampire à la peau diaphane, Edward Cullen, dans une série d’intrigues gothiques à l’eau de rose avec vampires sexy, loups-garous velus, pureté sexuelle et désir refoulé. Alors que la saga rapporte plus de trois milliards de dollars au box-office, Robert devient l’objet d’un culte, un fantasme, provoque des émeutes. Il a sa statue chez Madame Tussauds à Londres, un astronome russe donne son nom à un astéroïde, c’est la folie R-Patz dans le monde entier… Très vite, Robert suffoque. En interview, il multiplie les saillies ironiques contre Twilight et ne va avoir de cesse que de fracasser son image de bogosse un peu lisse. Après le cinquième volet de Twilight, alors qu’il aurait pu multiplier à l’infini les comédies romantiques ou les blockbusters décérébrés made in Marvel, il choisit de tourner dans Cosmopolis, de David Cronenberg. Il incarne un golden boy désenchanté qui regarde le monde imploser à travers les vitres teintées de sa limousine immaculée. Le film désarçonne les fans, mais se retrouve en compétition à Cannes et le talent de Pattinson irradie quand il balance d’une voix atone la poésie futuriste de Don DeLillo (« We need a haircut »). Dès lors, il est propulsé roi de la planète arty et tourne avec les meilleurs cinéastes du moment. À son tableau de chasse, l’Australien David Michôd (The Rover), un second Cronenberg (Maps to the Stars), le premier film du réalisateur de The Brutalist, à savoir The Chilhood of a Leader, James Gray (Lost City of Z), les frères Safdie (Good Time), la Française Claire Denis (High Life), Robert Eggers (The Lighthouse)… Et très intelligemment, quand le star s’engage sur un blockbuster bardé de millions, c’est sous la direction de Christopher Nolan (Tenet et bientôt The Odyssey) ou de Matt Reeves pour le crépusculaire The Batman. Audacieux, exigeant, Robert prend tous les risques, devient producteur, il déroute, surprend, se métamorphose en l’un des comédiens les plus excitants du moment. Une icône, comme Brad Pitt ou Timothée Chalamet. Attaché à la maison Dior depuis 2013, il balade sa belle gueule au son de « I’m your man » de Leonard Cohen dans des pubs cool et stylés, et il est l’égérie du nouveau parfum Dior Homme, imaginé par Francis Kurkdjian.
Très discret sur sa vie privée depuis la folie Twilight, Robert Pattinson est en couple depuis 2018 avec la mannequin, chanteuse et actrice Suki Waterhouse, et père d’une petite fille née en mars 2024. Alors que l’on ne l’avait pas vu sur grand écran depuis The Batman, il revient avec un énorme film de SF du Coréen Bong Joon-ho, Mickey 17, tourné en 2022 et dont la sortie était prévue pour mars 2024. C’était donc le moment parfait pour rencontrer Robert. Hoodie gris siglé MOMA, sublime coiffé-décoiffé, barbe de trois jours, la star est lovée dans son fauteuil, les jambes repliées sur le coussin, passe constamment ses mains dans ses cheveux dans une dangereuse apesanteur, tandis que son regard bleu transperce. Affable, intelligent et drôle, il est la quintessence du cool.

Entre deux campagnes pour Dior, le plus beau profil du cinéma US revient en force, avant The Odyssey de Christopher Nolan et The Batman Part II.
Votre filmographie est ahurissante. Ces dernières années, vous avez travaillé avec David Cronenberg, James Gray, les frères Safdie, Robert Eggers, Werner Herzog, Antonio Campos… Qu’est-ce qui vous pousse vers ce cinéma d’auteur exigeant ?
Robert Pattinson : Hum… C’est jusque que ce sont des metteurs en scène fascinants et je mourais d’envie de travailler avec eux. De purs talents. Parlons de frères Safdie. Le tournage de Good Time a été un des plus cool que j’aie connus, c’était juste dingue. Adolescent, j’avais sur mes étagères les DVD de mes cinéastes préférés. Et maintenant, j’essaie simplement de trouver l’opportunité pour collaborer avec eux…
Et quand vous choisissez de tourner dans un blockbuster, ce n’est pas dans une quelconque Marvellerie, mais c’est avec Christopher Nolan pour Tenet ou le formidable The Batman de Matt Reeves. Cela ne peut pas être simplement de la chance…
J’attends parfois très longtemps pour un film ou un cinéaste, et oui, il y a également une énorme part de chance (il éclate de rire). Énorme ! Je vous assure, j’ai beaucoup de chance… Écoutez, pour The Batman, cela a été très étrange. Je n’ai jamais auditionné, et je n’avais jamais incarné de super-héros auparavant. Deux ou trois ans avant d’avoir le rôle, j’ai commencé à y penser, alors que je n’avais vraiment aucune chance d’incarner Batman.
Et puis, lentement, il y a eu comme un alignement de planètes.…
Votre big break à Hollywood après la saga des Twilight, c’est Cosmopolis de David Cronenberg ?
J’adore Cosmopolis. L’écriture de Don DeLillo est sublime, c’est aussi fort que les paroles d’une chanson. Quand j’ai reçu le script, j’avais juste envie de le lire à haute voix tellement la langue est magnifique. Au début, je me souviens que j’avais peur de parler avec David Cronenberg – un de mes héros – au téléphone, car j’adorais le livre et le script, mais je ne savais pas expliquer pourquoi. Je ne me sentais pas assez intelligent pour en discuter avec David et un jour, je l’ai enfin appelé pour lui dire : « J’ai vraiment envie de le faire, mais je ne suis pas vraiment sûr de tout comprendre. » Et il m’a répondu : « Ouais, mais ce n’est pas très grave. L’important, c’est que c’est que c’est prometteur, c’est vraiment juteux » (rires). En le tournant, j’ai compris que ce serait un film important, qui allait rester. Ce genre de film que tu découvres à trois heures du matin sur ta télé et qui t’hypnotise totalement. C’est un film très contemporain, sur le fond et la forme, très expérimental aussi. Cosmopolis a été crucial, fondateur, un grand pas en avant dans ma carrière, j’y ai acquis une confiance nouvelle, et j’ai commencé à me voir un peu différemment.
Vous avez travaillé avec Claire Denis sur High Life en 2019 et vous avez failli tourner avec Olivier Assayas ou Stéphane Sauvaire. J’ai lu que vous êtes un énorme fan de Jacques Audiard. Est-ce que vous aimez le cinéma français ?
Je n’étais pas particulièrement cinéphile quand j’étais enfant. Puis à 15 ans, j’ai eu un coffret DVD Jean-Luc Godard. Ma tante m’avait offert un magazine de cinéma et il y avait une liste des meilleurs films de l’histoire du cinéma et tout en haut de cette liste, il y avait À bout de souffle (Robert donne le titre en français, avec un délicieux accent, ndlr). C’est la première fois que je découvrais un classique et je me souviens avoir pensé que je n’avais jamais vu un film aussi excitant. Depuis ce moment, le cinéma français a toujours eu une place à part dans mon cœur.
Pour votre nouveau film, Mickey 17, vous avez tourné sous la direction du Coréen Bong Joon-ho. Vous étiez fan des ses précédents films, comme Memories of Murder, The Host ou Parasite ?
Oui ! Quand on m’a parlé du film, on m’a dit : « Bong va tourner un nouveau film, mais le rôle principal est impossible à jouer. » OK ! Bong Joon-ho est un cinéaste immense, unique, Memories of Murder est un pur chef-d’œuvre et je n’en reviens toujours pas d’avoir travaillé avec lui. Dès notre première rencontre, j’ai compris que l’expérience serait l’une des plus folles de ma carrière. Je l’ai rencontré pour un déjeuner, mais il ne m’a pas raconté l’histoire, je n’avais pas la moindre idée de ce dont Mickey 17 allait parler, mais Bong est tellement drôle, intelligent, attachant… J’ai dit oui aussitôt, puis je me suis projeté dans son univers, je m’y voyais. J’adore le ton bipolaire du film. Il y a des séquences qui s’apparentent à de la comédie slapstick, enchaînées avec des moments très émouvants. Je n’avais jamais fait un truc pareil…
Comme le titre l’indique, vous incarnez un certain nombre de clones. C’était drôle à jouer ?
Bien sûr. Le tournage était des plus singuliers, à l’image de Bong. Bong story-boarde absolument tout, tout est très organisé, contrôlé. Mais paradoxalement, je me suis senti incroyablement libre d’expérimenter. Je doute de revivre un tournage similaire.
Vous avez tourné seul devant d’immenses fonds verts ?
Pas vraiment. Je suis vraiment incapable de vous parler technologie et d’expliquer comment ils font (rires), mais ce que je peux vous dire, c’est que les décors étaient déments, tout était vraiment construit, grandiose. Pour la bataille finale, c’est juste gigantesque.
Où s’est déroulé le tournage ?
Dans les studios Leavesden, près de Londres.(Immense studio de la Warner, sur le site d’une ancienne base aéronautique, lieu de tournage de tous les Harry Potter, ndlr).
Mickey 17 est un énorme film de science-fiction, une comédie grinçante, mais c’est aussi un film politique. C’est ce qui a vous a attiré ?
Il y a un aspect politique dans ce film, mais bien plus encore (il marque une pause et botte en touche, ndlr). Mickey est un citoyen lambda, sans aptitudes particulières, mas c’est aussi un personnage complexe qui n’a pas confiance en lui, avec un énorme sentiment de culpabilité, un bouffon qui se fait torturer encore et encore. Mon personnage est tellement décalé, étrange, que je n’avais pas l’impression de tourner un film avec des connotations sociales ou politiques.
Pourtant, le personnage du tyran Hireonimous Marsahall, campé par Mark Ruffalo, apparaît comme un clone de Donald Trump.
Quand je l’ai vu, j’ai plus pensé à une nouvelle version de Little Richard (il se marre) avec son smoking étincelant. Avec Bong, on ne sait jamais à quoi s’en tenir quand on arrive sur le set. Je me rappelle du moment où on avait un acteur avec un costume de pigeon et je me suis dit « mais c’est quoi ce truc, il a pris un acide ou quoi ? » Mais ce qui est sûr, c’est que Bong parvient à fixer le Zeitgeist sur sa pellicule.
Le film est coproduit par la société de Brad Pitt, Plan B. Comme lui, vous produisez certains de vos films. Est-ce que vous pensez passer un jour à la réalisation ?
Ce que fait Plan B est vraiment exceptionnel. Quant à moi, j’ai commencé à produire parce que j’étais frustré, je ne trouvais pas les films qui m’excitaient. En tant que producteur, je pensais que j’allais avoir accès à plus de projets et jouer plus souvent. Mais c’est un métier dur, très dur, tu passes ton temps à chercher des capitaux, à embaucher des gens… J’ai cinq ou six projets en attente, dont un que l’on va tourner dans quinze jours. Quant à la réalisation, l’idée fait son chemin…
Parlons mode. Attaché à la maison Dior depuis 2013, vous avez posé pour Karl Lagerfeld, vous étiez présent lors de la dernière fashion week à Paris et vous êtes l’égérie du nouveau parfum Dior Homme.
Quand j’ai signé avec Dior, très peu d’acteurs avaient ce genre de contrat, alors que maintenant, tout le monde y va (rires).
Votre mère était employée dans une agence de mannequins, vous avez fait du mannequinat dans vos jeunes années, est-ce pour cela que vous vous êtes orienté vers la mode ?
Hum, pas vraiment. Cela va sembler bizarre, mais je me souviens que j’ai signé avec Dior car je voulais vraiment travailler avec Romain Gavras (il éclate de rire). Il ne répondait jamais à mes appels téléphoniques et j’ai demandé à Dior si Romain pourrait réaliser la pub si je travaillais pour eux. Bref, j’ai rejoint la maison Dior pour tourner avec lui ! Ils ont eu très peur car à l’époque, Romain faisait des clips très controversés, comme « Stress » de Justice. J’aurais eu du mal à m’engager sans lui à mes côtés et nous sommes restés proches. J’adore faire partie de l’industrie de la mode, j’arrive à me dédoubler très facilement.
Cette année s’annonce exceptionnelle pour vous. Après Mickey 17, on va vous découvrir dans plusieurs films, dont Die, my Love de Lynne Ramsay, The Drama de Kristoffer Borgli, puis vous allez tourner The Odyssey de Christopher Nolan et la suite de The Batman.
Lynne Ramsay était tout en haut de la liste de réalisateurs avec lesquels je voulais travailler. Et je donne la réplique à la formidable Jennifer Lawrence. Je pense que nos performances vont être très cool. Quant à The Drama, avec Zendaya, cela fait des années que j’essayais de tourner avec Kristoffer Borgli et c’est maintenant chose faite !
Dans The Odyssey, quel personnage mythologique incarnerez-vous ?
Je n’ai absolument pas le droit de vous le dire, je ne peux même pas vous indiquer où nous allons tourner (rires). C’est top secret !
Et The Batman Part II, qui devrait sortir en 2027 ?
Je vais le tourner après The Odyssey, à la fin de l’année. J’ai seulement une vague idée du script.
Est-ce que le Joker sera le grand méchant de cette suite ?
Ouais, non, je ne sais pas. Potentiellement…
Mickey 17 de Bong Joon-ho
Sortie en salles le 5 mars
Entretien Marc Godin