Le changement des codes de beauté secoue la mode, la pub, les médias, mais aussi la photo érotique. Dans cette révolution de la petite culotte, Romy Furie Alizée fait figure d’héroïne. Cette jeune photographe parisienne de 30 ans, au visage de Greta Garbo et aux courbes de Marilyn Monroe, déconstruit nos codes de beauté standardisés, tant devant que derrière la caméra.
Loin des clichés « body positive », elle cherche à nous émanciper du male gaze, la vision de l’homme hétéro à la Playboy. Confessions presque intimes.
Est-il possible de faire de la photo érotique sans tomber dans un cliché de la photo pour homme hétéro ?
Romy Furie Alizée : Oui ! Depuis mes débuts je regarde la culture hétéro et essaye de jouer avec. On peut s’émanciper du male gaze (regard d’homme hétéro), en photographiant autre chose que des jeunes filles très jolies qui ont des physiques de publicité. Ainsi, on challenge le regard, en montrant d’autres personnes, en créant un nouveau désir, qui passe par autre chose que le tour de taille parfait, les fesses bombées, etc. Un autre érotisme, avec des personnes qui ne rentrent pas forcément dans les normes de beauté. En tant que photographe, on a une responsabilité dans ce qu’on montre. Les photos sont des témoignages de notre génération. Il est donc important de représenter tout le monde.
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Tu ne fais pas partie des féministes qui scandent « vive les grosses ! » sur les réseaux sociaux ?
L’acceptation de soi n’a jamais été mon leitmotiv, parce que j’ai toujours posé. J’étais en surpoid à mes débuts, ça a sûrement provoqué un effet positif chez certaines personnes, mais ce n’était pas voulu. Je ne me suis jamais revendiquée body positive. Je trouverais ça indécent de dire « vive les grosses ! », tu ne peux pas parler à leur place. Par contre, que des femmes grosses se soient mobilisées pour dire « vive nous », je trouve ça génial. A l’origine, le mot body positive a été créé par des femmes grosses, sous le nom de « fat acceptance ». L’acceptation du gras, transformée en connotation positive. Encore une injonction : « t’es grosse et maintenant il faut sourire, être hyper bien dans ton corps et montrer que tu pètes la forme », un message totalement erroné !
Peut-on changer les normes de beauté ?
Si on est assez nombreux et nombreuses à le faire, ça peut avoir un vrai impact. A l’heure actuelle c’est quand même encore difficile. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de discours sur l’acceptation, paradoxalement souvent tenus par des filles minces. Très peu de grandes porte-paroles représentent vraiment leur cause. Par ailleurs, il y a encore beaucoup de grossophobie, je le vois quand je poste des photos sur Instagram : si c’est une copine très photogénique et mince, ça marche mieux que des amis trans. Beaucoup de gens ont encore du mal à comprendre ou à voir la différence comme de la beauté, car les goûts dictés restent classiques.
Y a-t-il un changement dans les codes du sex appeal entre femmes lesbiennes ?
On croit qu’il existe une tolérance plus importante dans des communautés queer, puisqu’on est censés célébrer les différences, mais la culture nous a tellement influencés, imprégnés depuis qu’on est nés, qu’on continue à avoir la même attirance. C’est difficile de challenger ses propres goûts et d’analyser pourquoi on est attiré par telle ou telle personne. Après, dans la pratique, on se challenge sur qui on trouve désirable, pourquoi on en revient toujours aux mêmes personnes. Qu’est ce qu’on considère désirable et sexy. Il s’agit globalement d’attitudes, de vêtements et de corps issus d’une culture hétéro. Pour parler de mon expérience personnelle, quand je sors avec des femmes, je me sens beaucoup moins jugée et beaucoup moins stressée par mon apparence. Il y a plus de challenge, d’enjeux, de pression, quand c’est un regard masculin qui est posé sur soi.
Quel est ton nouveau projet ?
J’ai co-réalisé avec Laure Giappiconi un film en photographies, « Romy et Laure… et le secret de l’homme meuble », sur un tout autre sujet, sous forme de conte cinématographique pour adultes. L’histoire de deux jeunes femmes qui sont dans leur appartement lorsqu’un monstre sort de dessous le lit. Un travail qui questionne comment reprendre le pouvoir sur l’agresseur, l’intru qui vient nous agresser de l’intérieur… Je vous rassure, c’est fait avec de l’humour, un ton assez léger !
Retrouvez Romy Alizée sur son site.
Projection de son nouveau film, « Romy et Laure… et le secret de l’homme meuble », le 29 juin au Festival du film de fesse.
Albane Chauvac Lao