Après nous avoir guidé dans Paname Underground (Prix de Flore 2017), le Rouletabille des marges nous fait plonger sans parachute dans l’univers du « Chems ».
« En côtoyant des accros au chems, je suis sûr d’une chose : je ne veux pas leur ressembler. Ces types courent après la poudre et le cul comme des crackers après leur galette. Ils se dégradent à vue d’œil, physiquement et mentalement (…). Il m’a suffit de quelques prises pour m’accrocher à ces substances jusqu’à l’obsession. »
Dans son nouveau roman Johann Zarca s’attaque de front au Chem Sexe (qui se prononce « Kem » comme « Chemical »), et lance son double littéraire dans une odyssée psychotrope et pornographique. Mais il sait les limites qu’il met à sa promo : « Je ne vais pas te parler de mes pratiques sexuelles. Ce que je peux dire c’est que j’ai testé ces produits-là et qu’ils ont une incidence sur mes fantasmes. J’ai maté des films de cul avec et j’allais pas dans les mêmes catégories que d’habitude. Ça fait entrer dans des trucs plus bestiaux, plus crasseux. »
On ne saura donc pas jusqu’où il a plongé dans ce milieu. « J’aime créer le flou entre la réalité et la fiction, jouer au chat et à la souris avec le lecteur. Mais c’est l’histoire d’une déchéance », explique-il, chez lui (un sixième étage lumineux de l’Est parisien, moins trash que son roman). Pas difficile vu la violence du cercle vicieux qu’il décrit : « Des mecs qui enchainent sur Tinder en consomment et basculent dans l’addiction au cul, qui va ensuite leur paraître fade sans ces produits. Y a des gens qui ont le Sheitan… » conclue-il, retrouvant le ton de Paname Underground. Alors que dans Chems, il adopte un style plus neutre. « Dans Paname, mon narrateur traîne avec des lascars… Là, il est journaliste et fréquente un milieu branché, parisien, c’est pas la même populace, pas la même écriture. Mais je n’ai rien édulcoré pour autant parce que c’est publié chez Grasset. »
Après sept livres à seulement 35 ans, Johann Zarca se trouve reconnu à sa juste valeur et « même plus ». Parallèlement, il dirige Les Éditions de la Goutte d’Or. « Née autour d’un couscous avec Joffrey Le Guilcher et Clara Tellier-Savary qui eux sont journalistes. On a parlé de créer une maison d’édition, on a balancé ça comme ça, et puis en fait, on l’a fait. »
Success Story
Leur maison, vieille de quatre ans, publie trois livres par an de ce qu’ils nomment une littérature d’immersion. Un succès. « Flic – Un journaliste infiltré dans la police s’est écoulé à plus de 60 000 exemplaires, et on revend tout à l’audiovisuel. Flic a été acheté par Gaumont, On ne naît pas grosse, de Gabrielle Deydier, adapté pour la télé… On en vit, et on se met pas mal », constate-t-il sans fausse modestie.
Chems, il l’a terminé depuis un moment. Et il semble toujours avoir un ou deux manuscrits d’avance. « J’ai jamais eu de problème pour écrire. Défoncé, clean, ça représente 80 % de mon temps. Aujourd’hui j’ai arrêté les drogues et je suis vraiment un vieux con, je kiffe être posé, lire, écrire… » Depuis un an et demi il fait quotidiennement de la méditation en pleine conscience. « Ça m’aide. Je suis moins sujet à la compulsion, aux obsessions. Tout le monde s’y est mis pendant le confinement, comme une résurgence de spiritualité suite à un coup de flippe… » Un sujet qui pourrait bien l’inspirer. Mais qu’il tirera vers « le un peu sale, le perché », parce que c’est son truc.
CHEMS
JOHANN ZARCA
(Grasset, 216 p., 18,50 €)
Par Jacques Braunstein