Mercredi 2 octobre, au lendemain de la fashion week printemps-été 2025, le groupe LVMH a annoncé le départ d’Hedi Slimane, directeur artistique de Celine, et Vogue n’a pas manqué de le souligner.
Après plusieurs bruits de couloirs, le Karl-approved du luxe, qui avait succédé à Phoebe Philo en 2018, après sept ans chez Dior Homme, et quatre ans à la tête de Saint Laurent, a fait ses adieux à la maison Celine. Sur un air de Francis Lai, Concerto pour la fin d’un amour, il a présenté une dernière collection, que le magazine Vogue a relevé, après trois ans, sans un mot sur Hedi Slimane. S’ensuite notre constat : depuis 2021, le seul papier consacré par le vaisseau amiral de Condé Nast au créateur et à la marque est : « Hedi Slimane quitte Celine ». Mais alors qui boude qui?
En 2022, le boycott de Vogue Runway – le média qui couvre la totalité des défilés de mode – lors du défilé Celine, a mis en lumière la querelle entre Anna Wintour et Hedi Slimane. Selon les dires du célèbre magazine rapportés à WWD Magazine, cela ne relève pas de leur décision. En réalité, c’est le départ d’Emmanuelle Alt de Vogue Paris (devenu ensuite Vogue France), qui semble avoir fragilisé les liens entre le géant médiatique et Hedi Slimane.
BATAILLE D’EGO
En 2020, le groupe qui détient, entre autres, Vogue, Vanity Fair et GQ, a promu Anna Wintour au poste de directrice mondiale, puis s’en est suivi de nombreuses restructurations au sein de Condé Nast, dont la fin de contrat d’Emmanuelle Alt. Le créateur, qui a fait tomber l’accent du « e » de Celine, très proche de l’ancienne rédactrice en chef, n’a pas l’air d’avoir digéré cette décision… et n’a pas manqué de faire comprendre à Vogue. En 2023, au plus grand événement de la mode supervisé par Anna Wintour, le Met Gala avait pour thème « Karl Lagerfeld : A Line of Beauty », en hommage au défunt designer. Si Hedi Slimane était adoubé par le Kaiser de la mode – jusqu’à perdre 42 kilos pour rentrer dans l’un de ses costumes à l’époque Dior –, aucuns looks Celine n’étaient présents sur le tapis rouge de cette édition. Damn…
Le grand échiquier de la mode est devenu une véritable bataille d’ego. D’un côté, Anna Wintour tente de maintenir son pouvoir politique dans la mode, de l’autre Hedi Slimane son indépendance et sa volonté de ne pas se laisser dicter les règles du jeu. En supprimant une partie de ses publicités dans Vogue, Celine a privé le magazine d’une source de revenus importante, surtout si on considère le chiffre d’affaires de la maison, passé d’une prévision de 800 millions au départ, à 2,5 milliards d’euros sous l’impulsion d’Hedi Slimane.
LA COUR DE RÉCRÉ DE LA MODE
Le parcours du créateur est jalonné de querelles dans la cour de récré de la mode. De son temps chez Saint Laurent, il s’était déjà opposé à l’éminente journaliste Cathy Horny. La deuxième femme a être nommée au poste de critique de mode pour le New York Times en 1999, après des passages chez Vogue et Vanity Fair, est reconnue pour son objectivité intellectuelle, sans jamais céder à l’angélisme. Des critiques qu’Hedi avait dû sans doute lire, puisque en 2012, il décide de ne pas l’inviter à son premier défilé pour la marque. À l’issue de cette querelle, Cathy Horny avait déclaré « il s’est violemment opposé à une critique que j’avais écrite en 2004 – pas à son sujet mais à celui de Raf Simons, j’avais écrit que sans le modèle de coupe slim et de casting de rue de M. Simons, il n’y aurait pas eu d’Hedi Slimane ». La bataille d’égo s’était poursuivie sur Twitter (X) où le créateur taxait Horny de « tyran de cour d’école et aussi un peu d’humoriste. En ce qui me concerne, elle n’aura jamais de place chez Saint Laurent […] ». Le créateur semble a contrario favoriser l’équipe de Harper’s Bazaar (Prisma Media). Un choix que souligne la couverture de l’édition américaine, mettant à l’honneur Kendrick Lamar en full Celine…
À l’heure où la mode est en pleine partie de chaises musicales entre ses DA, les rumeurs courent sur une arrivée prochaine d’Hedi chez Chanel. Vivement l’annonce du nouveau job de Slimane : on voit mal son boycott se poursuivre s’il atterrit rue Cambon. Mieux, Condé Nast peut déjà compter sur un retour en force de la Maison Celine dans ses pages. Tournée générale !
Par Anaïs Dubois