VIOLETTE GAUTHIER : « J’AI LE CHEWING-GUM DE PROUST »

Violette Gauthier Technikart

A 21 ans, Violette Gauthier, autrice-compositrice, fabrique Eau de Javel, le fanzine le plus fascinant du moment, a mi-chemin entre un journal intime hand-made et un scrap-book de culture de niche.

Violette Gauthier est venue au monde au milieu des curiosités. Son père est collectionneur d’art brut et tient la Galerie du moineau écarlate. De cette enfance singulière, la jeune fille – aujourd’hui en études de philosophie – a conservé une appétence pour les « folleries » culturelles. Et quoi de plus « folle » que Eau de Javel, son fanzine conçu entièrement à la main (écriture manuscrite et dessins au feutre), consacré aux détails de la vie, à ses goûs « étranges », ou aux chewing-gum des stars ? « C’était un passeport pour rencontrer des musiciens que j’aimais, Warren Ellis, Sebastian… » Compositrice de chansons, musicienne (le mélodica n’a plus de secrets pour elle), auteure pour les Inrocks et babysitter assidue (son business model), Violette Gauthier vient de publier un livre chez L’Oie de Cravan, 172 détails de mes 19 ans. Nous l’avons reçue à la rédaction pour en savoir beaucoup plus. Interview à main levée.

Tu décris ta maison comme un « cabinet de curiosités », où se côtoyaient les livres, des objets singuliers et des œuvres d’art brut. Quelle lecture a marqué ton enfance ?
Violette Gauthier : C’était un fanzine d’Elli Medeiros, qui s’appelait Images et Paroles et regroupait des textes, de la BD… C’est le premier fanzine que j’ai eu entre les mains !

C’est le côté « do it yourself » et très libre qui te plaisait dans le format fanzine ?
Oui exactement. Je me suis mise à en faire toute seule quand j’étais petite. D’abord sur mon ordinateur, j’écrivais de fausses interviews d’Agatha Christie. Puis à la main avec Eau de Javel, lorsque j’avais 14 ans. J’avais très envie de retrouver le côté papier, et de composer un magazine que j’aurais aimé lire.

Eau de Javel en trois mots ?
C’est un cabinet de curiosités visuelles, sonores et humaines, en dessin.

Tu es aussi autrice-compositrice et cela se ressent dans les sujets choisis dans ton fanzine.
Le fanzine a eu une apogée pendant le mouvement punk, le mien s’inscrit donc dans cette tradition. Ma culture et mon goût de l’art sont venus par la musique. D’ailleurs, Eau de Javel s’appelle ainsi parce que comme beaucoup d’adolescents j’écoutais Nirvana, et leur premier album… c’est Bleach (eau de javel en anglais, ndlr). Et interviewer des musiciens m’a incitée à créer mon propre instrument à base d’élastiques de bureau : l’élastikophone.

Ton premier amour musical ?
Petite, pendant cinq ans, je n’ai écouté que les Wampas. Quand j’avais dix ans, je suis montée sur scène avec Didier Wampas, habillée en slim doré… je voulais faire comme lui !

Et du point de vue de la culture, où vas-tu chercher tes infos ?
Soit je me perds sur YouTube ou sur Spotify – c’est drôle je donne des réponses du XXIe siècle alors que j’ai l’impression d’être coincé dans un autre temps, (rires) – mais plus souvent dans les livres ou chez des disquaires où je suis happé par les couvertures.

Un fanzine à nous conseiller ?
Ceux de Raymond Pettibon sont magnifiques, ou de Howard Finster… En plus actuel, je peux ajouter la revue Soldes Almanach, issue d’un fanzine (sorte de bottin de la culture underground créé dans les années 1980 et réactivé ces dernières années, ndlr).

Le titre à écouter cet été en lisant ton fanzine ?
« Pista (Fresh Start) », de Los Bichos, un groupe de musiciennes géniales. C’est la chaleur des corps qui dansent !

Eau de Javel comporte une dernière rubrique sur les chewing gums célèbres, que tu collectionnes. Lequel a la meilleure histoire ?
Celui de Marcel Proust. Oui, j’ai vraiment un chewing-gum de Marcel Proust. C’est un chewing-gum rose, une sorte de malabar du début du XXe, qu’il utilisait en cas de stress et qu’il mettait sous sa table de chevet pour continuer à écrire.

La suite pour Eau de Javel ?
Si tout va bien, Eau de Javel deviendra peut-être un jour le journal de bord de mes concerts. Et puis, je n’ai jamais fait de numéro 1 du fanzine… Ça viendra !

@lenamarcel

 

Par Violaine Epitalon
Photo Basile Bertrand