XAVIER BEAUVOIS : « LA MER ME FASCINE »

La Vallée des fous, Xavier Beauvois

Avec La Vallée des fous, Xavier Beauvois signe un film sur le retour à la vie d’un restaurateur alcoolique. On en a profité pour parler avec lui de picole, de harengs et de la passion de Pete Doherty pour les fromages normands.

La vallée des fous se passe sur un bateau, même s’il reste amarré dans un jardin. Votre précédent film, Albatros, se terminait avec une virée en mer. La mer, l’océan, c’est important pour vous ? 
Xavier Beauvois : J’habite près de la mer depuis dix-sept ans, vers Fécamp, ça me fascine. J’aime les bateaux, la pêche… Je vois la mer depuis ma cuisine et je marche cinq bornes tous les matins, en longeant les falaises. C’est le plus bel endroit du monde. Même tout petit, quand on allait à la mer avec mes parents, j’adorais. 

Et comme votre personnage principal, vous jouez à Virtual Regatta, la course virtuelle du Vendée Globe. 
C’est la quatrième fois que je participe, mais c’est le seul jeu auquel je joue. C’est passionnant, tu es vraiment dans un bateau. 

Est-ce que le film est autobiographique ? 
Je suis arrivé 65 000e à Virtual Regatta et je me suis demandé comment on faisait pour gagner. Certains sont plusieurs et ils trichent car ils se relaient. Et pendant le Covid, je l’ai fait quasiment dans les vraies conditions, en restant dans mon canapé. Vous devriez essayer, je recommande l’option payante avec les voiles automatiques… 

Le défi, c’était de faire un film avec un personnage sur beau bateau qui ne bouge pas, un voyage immobile, quasi mental. 
Moi, j’y ai cru dès le départ.

La Vallée des fous, Xavier Beauvois


Vous faites une apparition et c’est une nouvelle fois une sale type, incapable, alcoolique. 
Dans Albatros, j’avais un comédien amateur. Il avait été très bon aux essais mais il perdait tous ses moyens devant la caméra. Il était incapable de jouer, même quand je lui mimais la scène. Ma script m’a dit « fais-le, on va pas y passer la semaine ! » Je suis allé au maquillage et je l’ai fait. Sur Le Petit lieutenant, personne ne voulait jouer un gros con raciste. Sur La Vallée des fous, j’avais absolument envie de donner la réplique à Pierre Richard et ça a été un gros kif. 

Pour ce film, tout a été tourné à deux kilomètres autour de chez vous. C’est du circuit court ? 
L’Albatros, c’était trois kilomètres ! Là, c’est deux, j’ai gagné un kilomètre. J’aime bien amener de l’argent à la région. Et ma fille va encore à l’école !

Elle est incroyable de naturel.
Ouais, ouais. Elle a 13 ans, elle n’arrête pas de grandir, j’ai du mal à la reconnaitre. Le rôle n’est pas facile mais elle a adoré l’ambiance du plateau. Le matin, elle faisait parfois une scène avec Pierre Richard, puis elle fonçait à l’école. 

Parlez-nous de Pierre Richard ? 
Il vient d’avoir 90 ans et commence le tournage de sa nouvelle réalisation, L’Homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme. J’ai eu l’impression de tourner avec un gamin, toujours prêt et heureux de jouer. Il est impressionnant. 

Et Jean-Paul Rouve ? 
Il m’avait engagé pour Quand je serai petit, et ma femme, Marie-Julie Maille, avait monté le film. Quand j’ai eu l’idée du film, ma femme m’a suggéré Jean-Paul. Il m’a dit de lui faire passer le scénario, mais il n’était même pas écrit. Je l’ai écrit en pensant à lui et donc le personnage s’appelle Jean-Paul. 

Vous n’auriez pas pu le jouer vous-même ? 
Ça aurait été moins… vendeur. Mais j’e l’ai joué en vrai. J’ai fait une espèce de tour du monde, pas en bateau, mais dans des cliniques. Et j’ai arrêté de picoler au mois de mai. Ça devenait ridicule avec ma vodka, trop déprimant, trop compliqué. Je buvais trop… Aujourd’hui, je me sens en forme, je marche et je fais du vélo. 

Est-ce que ça va avoir des influences sur la suite ?
Forcément. Oui, je crois, mais je n’ai pas d’idées pour l’instant. J’avais deux idées mais ça ne m’intéresse plus. Notamment, des pêcheurs à l’île d’Oléron qui avaient trouvé un stock de coke… J’ai envie de choses plus optimistes. 

Vous pensez quoi du cinéma français ?
Je suis très impressionné par Arthur Harari ou Clément Cogitore, qui a réalisé Ni le ciel ni la terre. On a de tout en France, des jeunes, des filles, c’est d’une diversité extraordinaire. Mais je suis très documentaire, j’en regarde trois par jour, des trucs sur la reproduction du hareng, des Faites entrer l’accusé… 

Il y a très peu de musique dans le film mais elle est formidable.
Elle est signée Pete Doherty. C’est mon voisin et on se connaît depuis un petit moment. J’avais fait un clip pour lui, assez beau, sans aucun budget. En échange, il m’a fait la musique du film, c’est la première fois qu’il compose une B.O. Il est d’une douceur, d’une gentillesse incroyables, c’est tout le contraire d’une rock star. Et maintenant, il est accro aux fromages normands, il adore les trucs bien coulants. 

 

La Vallée des fous de Xavier Beauvois
Sortie en salle le 13 novembre


Par Marc Godin