Le grand manitou-designer des mag’ parisiens (Vanity Fair France, les Inrocks, GQ France, Libération…) est venu nous faire un cours magistral. Interview appliquée.
Tu as grandi en banlieue parisienne, entre un père grec sculpteur et une mère professeure de dessin. Quelles lectures traînaient à la maison ?
Yorgo Tloupas : C’était National Geographic, qui n’existait pas en français à l’époque. Mes parents ne parlaient pas anglais, mais on était abonnés. Dans chaque numéro il y avait une carte dépliable et un mélange de photos et de reportages… C’est d’ailleurs de là que je tiens ma passion pour les cartes.
Le premier mag’ que tu as acheté ?
Les magazines de planche à voile, skate, surf, snowboard… C’était de la presse anglo-saxonne, et j’ai appris l’anglais grâce à eux. On parle de l’époque où David Carson a refait la maquette de Surfer Magazine. Et il y avait les magazines de skateboard, Big Brother, Thrasher, Slap Magazine… C’était une culture visuelle plus développée que d’autres sports.
Et à 25 ans, tu déménages en Angleterre.
Oui. Je me souviens d’avoir été marqué par List, un magazine aujourd’hui introuvable, avec un bébé sur la couverture, va savoir pourquoi. C’était un magazine mono-idée, une suite de listes… Ça avait retourné le cerveau de tout le monde à l’époque, et j’adorerais en retrouver un numéro.
Il y avait aussi Bloomberg Businessweek… que tu adores.
Ah, c’est l’apothéose des magazines ! C’est l’anti-conformisme absolu. C’est-à-dire que c’est un mag de business, avec des décisions graphiques et éditoriales à la limite du punk.
L’équivalent en France ?
Society, mais en moins abouti, l’équilibre entre rigueur graphique et folie est moins maîtrisée, je trouve.
Les Anglo-Saxons sont meilleurs que nous ?
C’est une culture graphique différente. Et dans ces pays, tout le monde consomme de la presse. L’élite lit le Financiel Times, le peuple, le Daily Mail. Dans les deux cas, les gens achètent la version papiet et la feuillettent au pub.
Le premier média que tu lis le matin ?
Le New-York Times, que j’achète à mon kiosque du 18e.
Celui que tu conseilles à un ami ?
Vanity Fair France ou US. Les lecteurs qui ne connaissent pas le titre sont toujours surpris par ce qu’on trouve à l’intérieur. Avec le New Yorker, ce sont deux as de l’investigation, ils ont un degré de fact-checking inégalé.
Celui dont tu rêves de faire la refonte ?
Paris Match. J’irais chercher dans les archives, mais je pense qu’on perdrait la moitié des lecteurs si on revenait à la sobriété radicale des années 1960-1970. C’est légendaire, les vieux Paris Match. Aujourd’hui, visuellement, c’est bas de gamme…
Quelle est ta relation au beau ?
J’ai plutôt une relation au moche. Mon quotidien est une lutte permanente contre le laid. On parle souvent de la France Moche, mais ça n’est pas un souci d’architecture, comme souvent évoqué. C’est un souci de design d’enseignes, de logos. Le beau, quant à lui, je peux le trouver partout, si je le veux.
Par Violaine Epitalon
Photo Axel Vanhessche